Monseigneur,
Après dix huit années de sacerdoce au service des Tropéziens, vous voilà confronté à cette « fameuse retraite bien méritée » ! Elle n’en demeure pas moins pour autant un moment de déchirement, car on ne donne pas tout son cœur et tout son dévouement à ses paroissiens sans ressentir une profonde tristesse à devoir les quitter, presque un sentiment d’abandon.
Vous avez eu une vie sacerdotale riche et originale. Chapelain en titre de la Reine Mère, vous aviez vos entrées à la cour d’Angleterre, tant auprès de la reine Elizabeth que de ses enfants. Vous avez été élevé au rang de Chanoine de la prestigieuse Abbaye de Westminster avant de venir sur le continent pour devenir curé de Draguignan.
Nous en sommes certains, Dieu, conscient que ce parcours faisait de vous un expert en vacuités humaines, a certainement guidé la décision de Mg Madec de vous nommer curé de Saint Tropez, ce lieu qu’il a choisi, aux dires de ses habitants, pour être le nombril du monde, un pays où l’arrogance est tellement partagée qu’elle en est devenue une peccadille, un tout petit péché.
Vous avez aimé ces arrogants qui ont la passion des processions, pas de ces processions mièvres et languissantes, mais viriles et tonitruantes à grand renfort de fifres et de tambours, leur façon de revendiquer fièrement leurs racines provençales et catholiques.
Ces processions, vous les avez transcendées par votre élégance et votre souci permanent du détail jusque dans le soin de choisir les vêtements sacerdotaux les mieux adaptés à la cérémonie du moment, leur donnant une aura de foi et de ferveur qui ont soudé les Tropéziens en un sentiment de fraternité partagée et d’appartenance à une communauté soudée par la joie et le bonheur d’être ensemble dans ces moments de rapprochement avec Dieu.
Que dire de vos homélies, de la profondeur de vos analyses et de vos commentaires des textes sacrés qui n’ont jamais laissé personne indifférent. Vous avez été notre guide spirituel durant toutes ces années, visitant les malades et les personnes âgées, trouvant les mots de réconfort pour les affligés souffrant d’un deuil éprouvant ou les encouragements aux novis dans ces entretiens hebdomadaires pour les exhorter à un mariage chrétien.
Avec l’élégance aristocratique de vos manières, vous nous avez engagé à faire bon accueil à votre successeur et à l’assurer du même soutien. Il serait discourtois et incohérent de ne pas y souscrire. Votre successeur avec tact et délicatesse a souligné dimanche dernier combien prendre votre succession ne serait pas une tâche facile, vous rendant ainsi un hommage indiscutable qui nous a touché.
Il a su trouver les bons mots et remercions Mg Rey d’avoir eu soin de choisir pour vous succéder une équipe de choc, un curé qui a passé de nombreuses années en Italie, ce qui n’est pas pour nous déplaire, et un vicaire qui est loin de passer inaperçu, l’abbé de St Sernin dont il m’a été rapporté qu’il pratiquait le Rugby ce qui ne peut que réjouir les supporteurs du RCT.
Monseigneur, vous nous avez aimés comme un père attentionné. En retour, nous vous avons aimé comme des fils comblés. Nous ressentons ce soir cette émotion et cette mélancolie que l’on éprouve sur le quai d’une gare où l’on a accompagné un ami très cher qui s’en va après avoir passé un long séjour en votre compagnie.
Bonne retraite, Monseigneur. Que Dieu vous bénisse pour toutes ces années de dévouements et soyez assuré que vous serez toujours le bienvenu parmi nous si l’envie vous prenait de venir discrètement vous glisser dans nos processions qui sont devenues les vôtres.
**********************************************